Cellule Climat : activer et soutenir l’action climatique citoyenne à Outremont

Pour Astrid Arumae et Julie Segal, fondatrices de Cellule Climat et lauréates de la cohorte d’hiver 2021 de l’Incubateur civique, il s’agit de capturer l’esprit de solidarité et d’entraide qui s’est développé dans Outremont pour incuber des initiatives amenées par les résidents et résidentes du quartier en faveur de l’environnement.

Se mobiliser pour une cause

Mars 2020, la pandémie de Covid-19 contraint la population du Québec au confinement. Des mesures strictes sont mises en place afin de ralentir la propagation du virus. Pour les personnes vulnérables, cette période d’isolement physique rend leur quotidien encore plus difficile.

Constatant les préoccupations de son voisinage, Astrid Arumae se sent appelée à répondre aux besoins immédiats de celles et ceux qui se retrouvent dans une situation précaire. Résidente du quartier Outremont, elle lance Réseau d’entraide Covid-19 en offrant un service d’achat et livraison de denrées alimentaires à destination des personnes isolées.

Mettant à profit ses expériences en gestion de projet et en entrepreneuriat, Astrid fait connaître son initiative sur les réseaux sociaux, met de l’avant le service proposé puis lance un appel au bénévolat. De nombreuses personnes y répondent, autant du côté des bénévoles que des bénéficiaires, marquant ainsi le démarrage des activités du réseau.

« Le premier jour, ça nous a pris trois heures pour faire l’épicerie de huit personnes seulement ! Nous ressentions à la fois la joie de participer et du découragement devant l’ampleur de la tâche. Mais nous avons relevé nos manches et persévéré. Avec la demande grandissante, il a fallu rapidement augmenter notre efficacité. En procédant par itération, nous avons vite noté ce qui fonctionnait ou pas. Ensuite nous avons mis en place les outils logistiques adéquats, ce qui a permis de mieux organiser les emplois du temps de chacun et chacune. » — Astrid

Cellule Climat : activer et soutenir l’action climatique citoyenne à Outremont

Grâce à la forte mobilisation des bénévoles, ce sont plus de 600 paniers d’épicerie qui sont livrés dans les trois premiers mois. Le succès de ce service est sans appel et le bilan positif, d’autant plus que les bénévoles répondent toujours à l’appel et que de nouvelles personnes se joignent au projet, notamment Julie Segal qui fut une des premières à devenir membre du conseil d’administration. Forte des expérimentations de cette première initiative, Astrid et son équipe réfléchissent aux autres enjeux auxquels la population fait face en cette période de pandémie. L’amélioration de la santé mentale est choisie comme seconde mission. Des idées émergent rapidement afin de contrer l’isolement, atténuer le stress chronique ou inciter à pratiquer une activité physique : des appels de bien-être, le programme marcher-parler ou des visites à domicile pour les personnes aînées qui ont de la difficulté à se déplacer sont mis en place.

« La création de lien social était au cœur de nos activités, pour apporter du soutien moral aux bénéficiaires, mais aussi aux bénévoles qui avaient besoin de présence physique. Le support allait dans les deux sens et cet échange mutuel a certainement servi de levier dans l’engagement et le maintien de ces activités. L’impact s’est décuplé. » — Julie

Cultiver la force du collectif

À la fin de l’année 2020, l’équipe dresse un nouveau bilan qui dénombre plus d’une centaine de bénévoles mobilisés, plus de deux cents bénéficiaires des services du réseau d’entraide, un soutien financier en subventions et en dons, mais aussi des contacts établis avec les institutions locales. Le réseau a rempli sa mission de création de capital social au travers de liens entre les individus, entre les communautés et avec les institutions. Dans le quartier d’Outremont où les communautés sont particulièrement diversifiées et fragmentées, le défi était de taille ! Pourtant, loin de se reposer sur leur succès, Astrid et Julie imaginent déjà la suite.

« Et maintenant, quelle continuité donner à nos activités tout en restant proches de la communauté ? On s’est rendu compte de l’importance de cultiver le lien social pour développer la résilience dans la communauté à faire face aux actuelles et à venir, la plus évidente étant la crise climatique. Pourtant, la transition socio-écologique n’est pas vraiment avancée à Outremont. » — Astrid

En effet, contrairement aux quartiers défavorisés où le sentiment d’interdépendance entre individus et l’esprit de communauté participent à engager des initiatives en faveur de la transition socio-écologique, cette tendance se vérifie moins dans les quartiers plus aisés, alors même que l’impact carbone de la population est plus élevé.

À Outremont, les familles et individus à faibles revenus représentent 14% de la population, contrairement à 21% dans le reste de Montréal. Ce niveau de ressources entraîne une empreinte environnementale plus importante, liée notamment à l’habitation, à l’alimentation ou encore à la mobilité. Quand des changements sont amenés dans ces secteurs, une plus grande réticence est observée car ces derniers peuvent être perçus comme une réduction du confort au quotidien. Pensons notamment à la réticence manifeste lorsque des espaces de stationnement sont libérés en faveur de nouvelles pistes cyclables.

Sachant qu’historiquement le succès d’initiatives de mouvements citoyens pour la transition est porté par un capital social fort, serait-il possible de s’appuyer sur l’esprit de solidarité et d’entraide qui s’est développé parmi la population d’Outremont et de l’amener à travailler sur la transition socio-écologique ? Une réflexion prend forme pour répondre à cette question autour de discussions avec des partenaires, parmi lesquels Solon et Coop Carbone. Elle s’affirme ensuite lorsqu’Astrid et son équipe du Réseau d’entraide Covid-19 se voient confier le mandat d’animer une consultation publique pour le plan d’action de réduction des gaz à effet de serre à Outremont. C’est l’élément déclencheur pour la concrétisation de Cellule Climat, un projet pensé pour permettre aux gens préoccupés par les enjeux climatiques de proposer des idées et de les mettre en action. Mais, comment gère-t-on un laboratoire d’idées ?

Astrid Arumae (Crédit photo: Youssef Shoufan)

Faire de l’innovation sociale une composante de Cellule Climat

Astrid réalise que, bien qu’elle ait de l’expérience en gestion de projets en entreprise, c’est une tout autre approche de coordonner des bénévoles dans le déploiement de leurs propres initiatives. Elle suit d’abord un cours de Social Innovation Canada, convaincue que c’est par ce champ de pratique qu’elle peut trouver les clés au déploiement de leur projet à impact. Quand Julie mentionne ensuite l’appel à projets de l’Incubateur civique, elles y voient une occasion d’approfondir leurs notions en innovation sociale, de rencontrer des leadeures et des leaders de projets tout aussi engagés et de mener plus loin les réflexions autour du projet. Elles soumettent leur candidature et sont sélectionnées pour intégrer la cohorte d’hiver 2021.

Parmi les outils offerts tout au long du parcours de l’Incubateur civique, deux modules aident particulièrement les porteuses de projet. Julie pense à la théorie du changement qui leur permet de poser leurs idées sur papier, de manière à les rendre limpides :

« Clarifier ce qu’il y avait dans nos têtes pour nous approprier le projet et pouvoir l’expliquer facilement a fait une réelle différence. Il a fallu aussi travailler fort à définir nos priorités. L’enthousiasme nous pousse à vouloir tout entreprendre en même temps afin de toucher un maximum de monde, au risque de s’éparpiller. La MIS nous a accompagnées à recentrer notre modèle et à aligner notre communication avec l’impact recherché. »

Astrid soulève également la validation terrain :
« Souvent, on tombe en amour avec notre idée et on pense qu’on a toutes les réponses et une vue d’ensemble juste. Mais en abordant le projet étape par étape, puis en faisant des validations sur le terrain, on se rend compte de nos angles morts et des biais à corriger. »

Leurs apprentissages sont appliqués aux idées proposées par les résidentes et résidents de l’arrondissement dans le laboratoire. Avant de les concrétiser et de les déployer, elles font l’objet de validation terrain, de réflexion sur l’impact recherché, d’éventuels angles morts à dénicher. Cette méthodologie a rapidement été mise en application sur le premier projet initié par les bénévoles de Cellule Climat dès l’été 2021. Sur un modèle de science citoyenne (aussi appelée science participative), des volontaires ont mené une étude sur la qualité de l’air à Outremont en s’impliquant dans le prélèvement d’échantillons sur une vingtaine de points de collecte dans l’arrondissement. Cette étude a fait l’objet d’un rapport disponible sur la page de Cellule Climat et fournit des données concrètes sur les secteurs les plus exposés à la pollution de l’air, avec l’objectif de sensibiliser la communauté locale et la municipalité aux enjeux liés à la qualité de l’air.

Cellule Climat poursuit son engament et collabore avec d’autres parties prenantes locales afin de multiplier les actions en faveur de l’environnement. Le collectif a intégré cette année la Cohorte pour la transition climatique de l’institut Tamarack avec le groupe citoyen Eco-citoyens d’Outremont et travaille également aux côtés de groupes tels que Pour nos enfants/For our kids :

« Chaque entité a ses forces et les met au service de la cause, comme l’organisation de débats en ligne, de manifestations, d’actions citoyennes ou de plaidoyers auprès des institutions politiques. Des projets verts sont menés à petite et à grande échelle. Nous travaillons tous et toutes ensemble et cela nous donne beaucoup d’espoir. » — Astrid

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