De la France au Québec : mon immersion au cœur des maillages improbables pour porter l’innovation sociale
Claire Venance, analyste-conseil en innovation sociale à la Maison de l’innovation sociale
Crédit photo : Nancy Guignard
À travers une démarche d’innovation sociale, on retrouve la nécessité d’allier toutes les parties prenantes autour de la table pour construire ensemble un modèle différent pour aborder des enjeux comme l’inclusion et l’écologie, dans toute leur complexité. Cette envie de rassembler fait partie de l’ADN de la MIS. J’ai d’ailleurs été heureuse de constater que notre organisation a su rassembler des actrices et acteurs aux expériences, ambitions et compétences variées. Parmi eux, Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Yves-Marie Abraham, professeur de sociologie de l’économie à HEC Montréal et chercheur sur la décroissance, Caroline Codsi, présidente-directrice générale et fondatrice de La Gouvernance au Féminin, ainsi que bien d’autres.
La journée, organisée au cabaret de cirque Le Monastère à Montréal, a été articulée autour de deux thématiques principales : l’inclusion et l’écologie. Elle a proposé un programme varié comprenant des panels, des discussions entre duos improbables, des ateliers et des classes de maître.
Crédit photo : Chantal Mathieu
Rayonner au pluriel
Pour moi, Montréal et le Québec incarnent la beauté de la diversité, et mon expérience d’immigration le confirme. Depuis mon arrivée de France l’été dernier, j’ai constaté que la diversité est ici considérée comme une véritable richesse. Lors d’une discussion improbable, la Dre Joanne Liu, pédiatre urgentiste et ancienne présidente internationale de Médecins sans frontières, et Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, ont particulièrement souligné l’importance de la richesse des idées.
Dre Joanne Liu en discussion avec Michel Leblanc. Crédit photo : Nancy Guignard
En prêtant attention aux mots et aux histoires des autres, on reconnaît la dignité humaine avant tout. Comme l’a rappelé Claude Pinard, président-directeur général de Centraide du Grand Montréal, « une personne en itinérance n’est pas un itinérant, c’est une personne. » Renouer avec son humanité était au cœur de cet événement.
La diversité ne réside pas uniquement dans les cultures ou les origines, mais aussi dans les parcours de vie et les trajectoires personnelles. Comme l’a très bien exprimé la ministre fédérale du tourisme Soraya Martinez Ferrada, son parcours de vie témoigne de la possibilité de transcender les frontières du social et du monde des affaires, étant issue d’origines modestes et ayant parcouru un cheminement à la fois dans les secteurs privé et public.
Soraya Martinez Ferrada, ministre du tourisme et ministre responsable de Développement économique du Canada pour les régions du Québec.
Photo de Nancy Guignard.
Étant moi-même issue de la diversité que ce soit en termes de métissage culturel, de milieu social modeste et d’immigration, je me sentais à ma place à la Grande rencontre. Cet événement incarnait cette diversité de profils, où les histoires individuelles se croisent pour créer une dynamique collective d’innovation et de solidarité.
J’ai été particulièrement marquée par l’intervention de Rachida Azdouz, psychologue, autrice, chroniqueuse et chercheuse, sur l’innovation et l’inclusion comme concepts indissociables dans le monde moderne. Comme elle, je comprends que chacun porte des biais, et qu’il est crucial de comprendre et d’accepter les oppositions, et d’y voir des complémentarités.
En somme, incarner la diversité, c’est accepter de s’ajuster, de remettre en question nos pratiques et d’aller à la rencontre des autres pour, ensemble, construire un avenir inclusif. Je suis sensible à cette définition, car, au fond, je m’y reconnais pleinement, étant moi-même une femme métissée en perpétuelle introspection.
Le pouvoir de l’adaptation
L’histoire de Desjardins incarne cette idée de l’adaptation dans le cadre d’un processus long et parfois ardu. Comme l’a rappelé Guy Cormier, « Desjardins est issu de l’exclusion, mais s’est adapté. Cela fait partie de son ADN ». En effet, en 1898, l’organisation a été fondée en réponse à l’exclusion des Canadiens français du système financier.
Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins.
Photo de Nancy Guignard.
De la même manière, comme l’a souligné la ministre Martinez Ferrada, l’adaptation devient non seulement un levier de survie, mais aussi un moyen de créer des ponts entre des mondes habituellement séparés, comme le monde des affaires et celui du social.
En tant que nouvelle arrivante, je constate que les personnes immigrantes, en raison de leur parcours souvent semé d’embûches, développent des compétences précieuses telles que l’adaptabilité, la débrouillardise et la résilience. J’ai réellement apprécié le partage de la ministre du tourisme sur son expérience d’immigration en tant que réfugiée politique chilienne. Son bagage de vie ne l’avait pas prédestinée à une carrière politique. Elle raconte comment, malgré un départ difficile, notamment dans un quartier de Montréal stigmatisé comme Saint-Michel, elle a appris à mobiliser son énergie pour relever des défis. Ce parcours de vie est au fondement de nombreuses initiatives innovantes et au cœur de mon propre parcours.
La ministre Soraya Martinez Ferrada en entrevue avec Marie-Christine Ladouceur-Girard, directrice générale de la MIS. Crédit photo : Nancy Guignard
Comme l’ont rappelé les chiffres dévoilés par l’Indice entrepreneurial québécois, les personnes immigrantes ont une propension pour l’innovation sociale, l’entrepreneuriat et le progrès.
Arrivée au Québec cet été et ayant rejoint la MIS en septembre, j’ai dû m’adapter aux bouleversements qu’implique la vie d’une nouvelle arrivante, un peu comme une rue constamment en travaux… L’adaptation, c’est accepter le désordre. Mais, c’est précisément dans cette capacité à collaborer et à innover que réside la clé de notre avenir commun.
Je ressors de la Grande rencontre enrichie, pleine d’espoir et avec le sentiment d’avoir été entendue et comprise, y compris dans ma posture particulière de jeune femme métissée et nouvelle arrivante à la Maison de l’innovation sociale et au Québec. Au regard de cet événement, je suis ravie de faire partie des actrices et acteurs du changement, et de souligner la nécessité de faire de l’innovation sociale pour répondre durablement à des enjeux systémiques.