Récoltes citoyennes ouvre le potentiel cultivable des bouts de trottoirs

En ville, les adeptes du jardinage ont investi les cours arrière ou avant de leur logement, leur balcon ou leur ruelle. Mais l’engouement est tel qu’il leur faut trouver d’autres surfaces cultivables. Alors que du côté des jardins communautaires les listes d’attente ne font que s’allonger, où et comment aménager son potager ?

C’est la mission que se sont données Marie-Pier Lafrance et Noémie Benoit avec Récoltes citoyennes. Sélectionné dans la cohorte 2022 de l’Incubateur civique de la Maison de l’innovation sociale (MIS), leur projet vise à faciliter les initiatives en agriculture urbaine.

Récoltes citoyennes ouvre le potentiel cultivable des bouts de trottoirs - Une actualité de l'Incubateur civique de la Maison de l'innovation sociale

Crédit photo : courtoisie Marie-Pier Lafrance et Noémie Benoit

Se réapproprier l’espace public

Toutes les raisons sont bonnes pour plonger les mains dans la terre. Si l’excès de temps libre procuré par la pandémie de Covid-19 a permis à une personne sur cinq de découvrir ou de redécouvrir les joies de l’horticulture au Québec, beaucoup s’y sont lancées avant tout pour y trouver du bien-être et développer un passe-temps qui bénéficie à leur santé mentale, nous apprend une étude réalisée par le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB). Nul doute que la reconnexion au vivant et le verdissement de nos espaces de vie apportent de nombreux bénéfices. Mais qu’en est-il du jardinage pour les gens qui vivent en ville, d’autant plus pour celles et ceux qui n’ont pas accès à un terrain privé ?

Il n’est pas si facile de trouver un espace où planter ses tomates, précise Marie-Pier Lafrance, résidente de Villeray. C’est au printemps 2021 que son envie de cultiver ses propres légumes se fait ressentir. À la recherche d’une surface cultivable, elle constate qu’entre l’attente interminable pour l’accès à un jardin communautaire et son balcon malheureusement à l’ombre, les options autour de son appartement se font rares.

Crédit photo : courtoisie Marie-Pier Lafrance

C’est sans compter sur un espace du domaine public situé juste devant son logement. Car sur la rue Drolet récemment rénovée, les saillies de trottoir et les carrés d’arbres sont particulièrement larges. Une aubaine pour verdir le quartier ! S’il est courant d’y voir des plantes ornementales, qu’en est-il cependant des végétaux comestibles ? Serait-il possible de s’approprier cet espace et d’y aménager… tout un potager ?

La réglementation diffère selon les arrondissements et celle concernant Villeray est loin d’être claire sur le sujet. De longues recherches permettent à Marie-Pier d’obtenir une réponse positive : il est permis d’utiliser un carré d’arbre pour y faire pousser des fruits et des légumes, sous réserve que le terrain ne présente pas de traces de contamination, conformément aux recommandations de la Ville de Montréal.

Elle se met à l’ouvrage et observe, avec surprise, à la fois les rendements de ses plantations, mais aussi les réactions positives du voisinage. De la curiosité et de l’enthousiasme au vu des résultats vont jusqu’à initier des discussions entre les résidents et résidentes de la rue afin de reproduire l’expérience sur un ensemble de saillies de trottoir.

Récoltes citoyennes ouvre le potentiel cultivable des bouts de trottoirs - Une actualité de l'Incubateur civique de la Maison de l'innovation sociale

Crédit photo : courtoisie Marie-Pier Lafrance

« Bien que mon potager soit le fruit d’une expérimentation individuelle, il s’est mué en projet pilote et a réveillé une capacité d’action collective tournée vers la transition socio-écologique ! Cela m’a donné l’élan de partager mes apprentissages à plus large échelle et d’outiller d’autres personnes qui souhaitent y participer. » — Marie-Pier

Après l’expérimentation, le transfert

Noémie Benoit rejoint Marie-Pier et toutes deux créent Récoltes citoyennes dans le but de favoriser les initiatives en agriculture urbaine à vocation sociale et collective. Conscientes que certains arrondissements offrent déjà la possibilité de jardiner dans les saillies de trottoir, les deux amies souhaitent démocratiser cette pratique dans les autres quartiers, là où sont absents les services en horticulture urbaine. Souvent excentrés, moins favorisés et plus largement bétonnés, ces quartiers manquent d’espaces de verdissement et subissent fortement les effets des îlots de chaleur. Or, étendre le couvert végétal cultivable collectivement est une solution qui répond aux enjeux de lutte aux changements climatiques et de sécurité alimentaire, en plus de favoriser la participation citoyenne et de créer du capital social, vecteur de résilience.

« On s’est dit qu’en créant un service clé en main à destination des écoquartiers, on pourrait s’appuyer sur ces organismes déjà présents dans les arrondissements et leur fournir un ensemble d’outils pour les aider à développer des jardins individuels nourriciers, en récupérant les saillies existantes et en soutenant la déminéralisation des trottoirs pour créer plus d’espace. » — Marie-Pier et Noémie

Mais par où commencer quand il s’agit d’amorcer des travaux pour enlever de l’asphalte, tout en respectant une réglementation propre à chaque arrondissement ? Ces interrogations accompagnent Noémie et Marie-Pier lorsqu’elles intègrent la cohorte 2022 de l’Incubateur civique, et leur approche ne tarde pas à faire l’objet d’une remise en question dans le parcours d’accompagnement.

S’il est certain que la déminéralisation est nécessaire et que les municipalités doivent aller dans cette direction pour soutenir la transition socio-écologique, ce processus est en revanche long et coûteux. En tant que porteuses du projet, ont-elles le goût de se lancer dans cette démarche ? « Non, ce n’est pas ce qui nous allume ! » précise le duo qui révèle que le programme les a justement fait cheminer vers une autre approche. « Nous avons décidé de nous concentrer plutôt sur des espaces qui existent déjà, mais qui sont sous-utilisés, en commençant par notre quartier. »

En partant d’un secteur où les conditions de succès sont réunies, Marie-Pier et Noémie ont en effet l’opportunité de poser des actions qui vont créer un effet boule de neige. Optimiser en premier lieu l’usage citoyen des espaces existants dans Villeray leur permettra d’en faire des cas inspirants, qui serviront ensuite de levier pour progressivement déployer l’initiative dans d’autres arrondissements. En constatant l’intérêt collectif pour le verdissement et le maraîchage, les arrondissements seront plus enclins à déminéraliser des espaces bétonnés, qui sont par ailleurs particulièrement coûteux à entretenir.

« Du moment que notre approche s’est clarifiée, tout s’est mis en place naturellement. Avant cette étape, on bloquait sur la structure du projet, incapables d’imaginer si Récoltes citoyennes allait être un service pour l’écoquartier ou pour les citoyens et citoyennes, donc où allait se placer le projet exactement vis-à-vis des parties prenantes. Quand notre stratégie d’intervention s’est précisée, on a su quelle forme donner au projet pour le déployer. » — Marie-Pier et Noémie

Crédit photo : courtoisie Marie-Pier Lafrance

Une cartographie interactive

Pour atteindre l’impact recherché, il est nécessaire de faire connaître la pratique de l’agriculture urbaine, en précisant où et comment, puis en illustrant les initiatives engagées pour susciter l’adoption et soutenir la motivation. Les porteuses du projet imaginent alors une plateforme numérique regroupant une carte interactive des espaces cultivables disponibles et de ceux déjà cultivés, pour dresser un portrait global de l’activité horticole du quartier. Des ressources éducatives et des informations concernant la réglementation et la logistique, comme les points d’eau accessibles ou le compost à disposition, complètent l’outil en ligne.

Sur la plateforme, les personnes intéressées à jardiner seront ensuite invitées à s’approprier un espace disponible sur la carte pour indiquer leur intention de l’aménager. À l’inverse, celles disposant d’une zone cultivable inutilisé sur leur terrain pourront le proposer en accès libre si elles le souhaitent.

« Récoltes citoyennes cherche à lever les freins pour rendre le jardinage accessible à tout le monde dans l’espace urbain. Bien que cela soit toléré, voire encouragé, nous voulons favoriser la mobilisation citoyenne autour de cette initiative de manière concrète. Grâce à l’Incubateur civique, nous nous sentons outillées et en capacité d’identifier les actions transformatrices nécessaires pour concrétiser notre vision. » — Marie-Pier et Noémie

Viser l’impact avant tout

En ce début de saison estivale 2023, les trajectoires de vie des porteuses de projet les ont amenées à mettre sur pause le déploiement de Récoltes citoyennes. Les derniers mois leur ont donné l’occasion de réfléchir à la place que pourrait prendre le projet dans un écosystème en actions environnementales montréalais qui s’est depuis densifié.

Si le duo reste convaincu de l’utilité de son initiative et de la solution imaginée, il doute plutôt de la nécessité de créer un nouvel OBNL. Au contraire, s’arrimer à un organisme existant, œuvrant dans ce domaine et cherchant à accroître ses activités, lui semble plus approprié. En évitant de dédoubler les structures et les coûts d’opération associés, ce rapprochement permettrait d’accroître l’efficience des fonds disponibles dans le milieu tout en contribuant à générer les impacts ciblés et à renforcer les interventions des actrices et des acteurs existants.

Dans une recherche d’impact maximal, certains projets connaissent parfois des trajectoires alternatives. Les personnes ayant initié la démarche, défini la vision et validé le concept, passent alors le flambeau à d’autres, toutes désireuses de voir le projet se réaliser. C’est dans cet état d’esprit que Marie-Pier et Noémie souhaitent donner un nouvel élan à Récoltes citoyennes, en assurant un rôle aviseur dans son processus d’adoption par un nouvel organisme.

Cette proposition vous interpelle ? Prenez contact avec Marie-Pier !

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