Vélorution Saint-Michel : faire du vélo un outil de changement
Un coup de pédale déterminé a conduit Alexane Ferland et Collin Mayrand à intégrer la cohorte 2019-2020 de l’Incubateur civique, afin de poursuivre leur mission de donner l’envie d’enfourcher un vélo au plus grand nombre.
La révolution par le vélo
Apparu dans les années 1970, le terme vélorution fait référence à un mouvement international qui cherche à encourager la population à l’utilisation des moyens de transport personnel non polluants. Au moyen de rassemblements urbains, les cyclistes font la promotion de la mobilité active comme alternative aux déplacements en voiture tout en soutenant l’importance de développer des infrastructures cyclistes.
Source image : Site web et réseaux sociaux Vélorution
À Montréal, c’est le groupe militant le Monde à Bicyclette qui, dès 1975, s’emploie à défendre les droits des cyclistes en milieu urbain et à revendiquer que « la bicyclette n’est pas qu’un sport, c’est un transport ». Leurs actions mettent notamment en scène des « cyclodrames », afin de sensibiliser les municipalités au manque d’infrastructures qui permettraient aux cyclistes et aux piétons et piétonnes de circuler de façon sécuritaire dans les rues de la ville.
La bicyclette devient alors un outil de contestation politique et va provoquer des réflexions au sujet de son usage comme moteur de changement pour de nombreuses années à venir.
Source image : Site web du Monde à bicyclettes
Relancer la vélorution dans les quartiers de Montréal
L’organisme montréalais Cyclo Nord-Sud, qui récupère et revalorise des vélos inutilisés pour les expédier en Afrique et en Amérique latine depuis presque 20 ans, fait le choix en 2017 de développer une partie de son activité localement.
« Après des années de programmes de coopération internationale, des demandes locales nous sont parvenues, en plus d’une remise en question en interne de notre impact. C’est alors qu’a commencé à émerger l’idée de Vélorution Saint-Michel. »
Collin
Si Saint-Michel est le quartier retenu pour initier la première phase du projet, c’est en raison de sa géographie qui suscite des difficultés sur le plan de la mobilité durable. Enclavé entre les anciennes carrières Miron et Francon, il doit répondre à un enjeu environnemental et socioéconomique à travers son offre de transport, en composant avec sa population dont 34,1% sont à faibles revenus et dont le taux de chômage se situe à 14,5%. Source : Ville de Montréal
« Les populations les plus pauvres sont celles qui ont le plus de difficulté à se déplacer en raison des coûts liés à l’automobile et aux transports collectifs. Pourtant, à Saint-Michel, 67% des trajets se font dans un rayon de moins de cinq kilomètres. Le mode de transport urbain le plus efficace pour de telles distances, c’est le vélo. Or, seulement 1% des déplacements dans le quartier se fait ainsi. »
Alexane
En démocratisant l’usage du vélo, l’objectif de Vélorution Saint-Michel est d’apporter de l’autonomie aux résidentes et résidents marginalisés et de réduire le poids financier lié à la mobilité en proposant une solution de transport utilitaire qui participe à la réduction des émissions de carbone.
Crédit photo : MIS
Aller à la rencontre du public michélois
Comment inciter la population de Saint-Michel à adopter la bicyclette pour leur déplacement ? L’équipe en charge de Vélorution a imaginé un déploiement en deux phases distinctes.
La première phase a consisté en la conception du tout premier atelier vélo mobile, construit sur mesure et installé sur une remorque avec tout le nécessaire aux réparations de base en mécanique vélo. En se déplaçant à travers les parcs du quartier, les bénévoles de l’équipe ont offert des services décentralisés de réparation à prix modique durant tout l’été 2017. Le public a répondu présent et a permis à l’équipe de constater leurs besoins réels tout en faisant la promotion du deux-roues.
Fort de ce succès, Vélorution Saint-Michel lance la seconde phase orientée vers le développement d’un point de service fixe pour pallier l’offre inexistante dans le quartier. Le 1er novembre 2018 est inauguré le premier atelier communautaire à Saint-Michel en partenariat avec les Loisirs Communautaires Saint-Michel, la TOHU et la Ville de Montréal. Il offre un espace de travail et d’apprentissage autour du vélo permanent pour les gens du secteur.
En plus des réparations bon marché et des formations en mécanique, d’autres services sont également proposés pour sensibiliser la population à l’usage quotidien du vélo : animation dans les écoles, ventes de vélos, pièces et accessoires revalorisés à prix modiques, initiation et balades à vélo.
Ces volets d’activités variées sont soutenus par différents partenaires, qui mettent au défi Vélorution Saint-Michel dans sa pérennisation. Depuis son lancement, le projet repose en effet sur des subventions pour orchestrer ses activités et offrir des services accessibles et abordables aux michéloises et michélois. Le manque de récurrence dans le financement pousse Vélorution Saint-Michel à revoir son modèle et à innover dans son fonctionnement.
Source image : Site web et réseaux sociaux Vélorution
Intégrer l’Incubateur civique et adopter un regard neuf
« Nous connaissions la MIS et le programme de l’Incubateur civique grâce aux échos de la cohorte précédente. Notre motivation à faire partie du programme était d’adopter un regard frais sur les problématiques, de concevoir une solution porteuse et, en structurant un projet solide, de faciliter l’accès à des ressources et partenaires externes. »
Colin
« C’était une superbe opportunité de faire progresser Vélorution. Le programme de l’Incubateur civique est très condensé. Nous nous en servons avec les autres membres de l’équipe en distillant le contenu, et nous appuyons sur certains éléments afin d’affiner encore nos réflexions. Nous savions que les outils fournis par la MIS allaient nous accompagner sur les prochaines phases de déploiement du projet. »
Alexane
Parmi les ressources de l’Incubateur civique qui ont particulièrement aidé le duo : le développement du réseau et la découverte des autres projets en échangeant avec l’ensemble de la cohorte ainsi qu’avec les intervenantes et intervenants extérieurs.
Les ateliers sur les parties prenantes et le public cible ont également été déterminants:
« Notre mission était de chercher une large partie de la population, surtout les plus vulnérables afin de les sensibiliser à l’usage du vélo et à ancrer de nouvelles habitudes. Avec l’atelier autour des publics cibles, il nous est apparu évident de nous concentrer davantage sur la jeunesse et de développer en particulier ce volet de nos activités. »
Alexane
Déjà impliqué au niveau de la jeunesse de Saint-Michel, Cyclo Nord-Sud est mandataire du programme Cycliste Averti, en partenariat avec Vélo Québec et les écoles du quartier, qui vise à enseigner les bonnes pratiques cyclistes en ville et à dispenser des formations en mécanique aux jeunes.
« À Saint-Michel, les jeunes sont plus vulnérables au décrochage scolaire. En les encourageant à faire du vélo, nous contribuons à améliorer leur bien-être et donc leur performance scolaire. Aussi, en les formant à la mécanique vélo, nous avons eu l’occasion d’accompagner deux jeunes dans leur parcours scolaire en alternance ces deux dernières années. Nous avons validé, avec succès, le concept à petite échelle et nous souhaitons maintenant voir plus grand. En effet, c’est par ricochet et grâce à l’influence des plus jeunes auprès de leur entourage qu’une plus large partie de la population sera touchée et entraînera un effet démultiplicateur sur les conditions de vie du quartier. »
Alexane
Ainsi est imaginé Gagne ton vélo, un concours offrant à chaque jeune l’opportunité de revaloriser et de personnaliser son propre vélo. Au sein d’une cohorte de trente jeunes, des bénévoles vont transmettre leur passion de la mécanique vélo aux cyclistes en devenir qui seront capables d’entretenir le deux-roues avec lequel ils repartiront à l’issue de la formation, devenant ainsi des ambassadeurs de la pratique cycliste.
En plus d’entretenir un lien avec les bénévoles dont l’expertise est valorisée, le projet va catalyser un renforcement de la communauté et créer un sentiment d’appartenance dans le quartier, tout en rapprochant les élus de la jeunesse.
« Des infrastructures sont indispensables pour assurer la sécurité des cyclistes sur les routes. Plus les déplacements en vélo seront sécuritaires, plus il y aura de cyclistes et plus grandes s’ouvriront les portes de la mobilité active. Malheureusement, la mairie de Saint-Michel fait déjà face à d’autres problématiques comme l’insalubrité des logements ou les déserts alimentaires. La construction de pistes cyclables n’est pas dans ses priorités. Nous nous employons à inverser ce cercle vicieux. »
Alexane
Vélorution Saint-Michel s’implique en effet auprès de la municipalité, de la table de quartier Vivre Saint-Michel en Santé ainsi que plusieurs organismes du secteur, œuvrant à donner au quartier une vision vélo, en défendant la mobilité active comme vecteur de changement : des habitudes de vies plus saines, l’autonomisation de la population, une meilleure aptitude scolaire ou professionnelle ou encore la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En 2019, Vélorution est lancé dans l’arrondissement Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce. Le fort soutien de la mairie et l’accueil enthousiaste réservé à ce développement valide la vision de Vélorution de se déployer dans tous les quartiers de Montréal. Dans le contexte de distanciation physique en raison de la pandémie de la Covid-19 et des rues récemment réservées à la circulation des cyclistes et des piétons, gageons que le vélo va faire de nouveaux adeptes et pousser Montréal à devenir une meilleure ville cyclable!