Terres noires : le milieu agricole de la MRC des Jardins-de-Napierville expérimente une gestion collective

Mené sur le plus grand bassin de terres noires maraîchères au Québec avec un ensemble de parties prenantes locales, le projet «Terres noires » consiste à codévelopper un modèle de gestion collective par les productrices et producteurs agricoles. Il vise à soutenir la pérennité, la résilience et la régénération de cet agro-écosystème particulièrement vulnérable aux changements climatiques.

L'enjeu de la protection des terres noires

Ancien milieu humide boisé, hautement fertile, transformé en zone d’agriculture intensive, le bassin de terres noires de la MRC des Jardins-de-Napierville représente aujourd’hui plus de 40% de la production maraîchère du Québec. Ces terres agricoles assurent à la fois l’autonomie alimentaire du Québec, la vitalité économique de la région, la préservation de la biodiversité locale dans des habitats particuliers comme les boisés et les milieux humides ainsi que la sauvegarde d’espèces en péril. Elles représentent donc un bien commun dont il faut prendre soin.

Crédit photo: CLD des Jardins-de-Napierville

Cependant, de nombreux éléments menacent cette zone cultivable: les changements climatiques en premier lieu, qui soumettent les terres à des problèmes d’inondation, d’irrigation, de ravageurs et de perte de sol tant en qualité qu’en quantité. Ensuite, la complexité des règlements en vigueur et la privatisation des terres maraîchères entravent la planification de l’aménagement du territoire et engendrent des conflits d’usages. De plus, sur un même secteur, les intérêts des différentes parties prenantes divergent et leurs responsabilités se font parfois concurrence.

Ce contexte complexifie l’élaboration de solutions acceptables par toutes et tous. Et quand bien même des lois, des règlements et des mécanismes financiers tentent d’encadrer et de soutenir la conservation de ce bien commun, ils ne parviennent pas à rallier l’ensemble de la communauté agricole et non agricole vers une vision et des valeurs communes pour la gestion de ces terres d’abondance.

Si des innovations techniques et sociales ne sont pas rapidement adoptées, on peut imaginer la fin des cultures maraîchères d’ici 50 ans à peine.

« Les situations vécues par les productrices et producteurs agricoles varient énormément d’une terre à l’autre. Alors qu’une exploitation peut être confrontée à un problème d’inondation, sa voisine peut faire face à de la sécheresse et les actions prises pour régler un problème exacerbent très souvent le problème de l’autre. C’est un peu la même chose pour la gestion des ravageurs, les actions posées par une entreprise agricole peuvent influencer les ravageurs présents dans les champs voisins. Nous souhaitons trouver des solutions pour sortir de ces impasses et améliorer l’environnement, et le fait de travailler à gérer collectivement nos terres noires est un pas dans la bonne direction. »

Marie-Pierre Maurice, biologiste et cheffe d’équipe secteur environnement, Groupe PleineTerre (2023)

Concevoir un nouveau modèle de gestion collective

D’importants défis sont à relever pour assurer la pérennité de ces terres noires du sud du Québec. C’est pourquoi le Centre local de développement des Jardins-de-Napierville (CLD), la MRC des Jardins-de-Napierville, le Pôle d’excellence en lutte intégrée (PELI), les clubs-conseils Groupe PleineTerre et PRISME / Phytodata et la Maison de l’innovation sociale (MIS) accompagnent les productrices et producteurs agricoles dans une démarche de cocréation d’un modèle de gestion collective des terres noires et explorent par le fait même l’innovation réglementaire et financière.

« Ce projet s’insère dans un contexte impliquant de nombreux acteurs et actrices, aux responsabilités parfois concurrentes et aux intérêts divergents. Cette situation rend difficile la mise en œuvre de solutions collectives, notamment celles touchant à la qualité de l’eau et à la biodiversité. C’est pourquoi nous avons fait appel à la MIS pour nous épauler dans l’élaboration d’un plan de transition vers une gestion collective et durable des ressources du territoire agricole de la MRC des Jardins- de Napierville.»

Isabelle Matteau, Coordonnatrice du Pôle d’excellence en lutte intégrée, CLD Jardins-de-Napierville (2021)

Crédit photo: Youssef Shoufan

La démarche comporte des exercices et des ateliers visant à approfondir les trois grandes thématiques d’enjeux de gestion collective que les producteurs et productrices agricoles ont fait ressortir, à savoir la gestion de l’eau, les pratiques de conservation des sols et la gestion collective des ravageurs. Une analyse de l’impact des lois et de la réglementation sur les pratiques agro-environnementales actuelles et souhaitées, ainsi qu’une exploration de mécanismes financiers potentiels informent également la démarche. Tout au long du processus, la communauté est mobilisée et engagée dans l’idéation des solutions qui se retrouveront au coeur du plan de gestion collective.

« Avec le projet Terres noires, on s’adresse à un sujet d’une extrême importance pour l’avenir agroalimentaire du Québec. On touche aussi plus largement à un mieux vivre ensemble. En expérimentant autour de la mise en place d’une gestion collective, on crée par la même occasion une communauté, une synergie, des liens sociaux entre les actrices et les acteurs du territoire et davantage de compréhension mutuelle. Ce sont autant d’éléments nécessaires à la transition socio-écologique et à la résilience de nos territoires. »

Caroline Bérubé, Agente de recherche et de documentation en processus d’innovation, Maison de l’innovation sociale (2023)

Crédit photo: Youssef Shoufan

Des questions sur le projet « Terres noires »? Consultez la foire aux questions (FAQ)

1- À quels enjeux s'intéresse le projet?

L’expérience et les enjeux vécus par les productrices et producteurs agricoles sont au cœur du projet. Collectivement, il a été décidé de se pencher sur trois thématiques qui les affectent particulièrement, soit la gestion de l’eau, les ravageurs et les pratiques agro-environnementales.

Ces thématiques, de par leur nature, nous invitent à considérer les enjeux propres aux changements climatiques, à la perte de biodiversité, à la régénération des sols, à l’autonomie alimentaire, à la résilience des territoires et aux défis réglementaires et financiers.

2- De quelle manière les producteurs et productrices agricoles s’impliquent au sein du projet?

Les productrices et producteurs agricoles prennent part à des entrevues individuelles permettant de mieux comprendre les problématiques vécues ou encore participent à des ateliers de groupe durant lesquels différentes activités les aident à concevoir ensemble des prototypes pour développer un modèle de gestion collective. Les agricultrices et agriculteurs expérimentent ensuite le prototype qu’ils et elles ont conçu ensemble selon un protocole d’expérimentation. Ce dernier comprend des indicateurs et différents outils d’évaluation (focus group, entrevues, questionnaires, etc.). Enfin, une deuxième phase d’ateliers vise à intégrer les apprentissages et à proposer une nouvelle formule bonifiée du modèle de gestion collective.

3- Qui participe au projet?

Les productrices et producteurs agricoles en terres noires maraîchères sont au cœur de la démarche. Au sein du projet Terres noires, ils et elles développent leurs expérimentations de gestion collective et définissent ensemble les objectifs et les orientations du projet.

Les actrices et les acteurs du milieu comme l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ) ou l’Union des producteurs agricoles (UPA) ainsi que les organisations locales actives dans le milieu agricole de la MRC des Jardins-de-Napierville telles que les organismes de bassins versants comme Covabar et Scabric contribuent aussi au projet. Leur participation permet de mieux comprendre les interactions entre les différents types d’actrices et acteurs du territoire, d’apporter une expertise spécifique ou encore de révéler des enjeux qui auraient pu passer inaperçus sans leur contribution.

Le comité de pilotage du projet Terres noires est composé de la MRC des Jardins-de-Napierville, le Centre local de développement (CLD), le Pôle d’excellence en lutte intégrée (PELI), les clubs-conseils Groupe PleineTerre et PRISME / Phytodata et la Maison de l’innovation sociale (MIS). Ce comité est chargé de planifier et d’organiser les ateliers avec les différentes parties prenantes, d’assurer la mobilisation des productrices et producteurs agricoles et d’agir au service des objectifs et des orientations du projet.

4- Pourquoi s’intéresser au projet Terres noires?

L’autonomie alimentaire est sur toutes les lèvres et le Québec a la chance de compter sur un territoire d’exception : le bassin des terres noires de la MRC des Jardins-de-Napierville. Alors, qu’il représente aujourd’hui une grande portion du garde-manger du Québec avec plus de 40% de la production maraîchère, on peut y imaginer la fin de ces cultures d’ici 50 ans à peine si des innovations techniques et sociales ne sont pas rapidement adoptées.

Le projet Terres noires propose une démarche importante pour l’avenir agroalimentaire du Québec. En expérimentant autour de la mise en place d’une gestion collective, le projet vise une plus grande résilience du territoire et des communautés qui l’habitent grâce à davantage de compréhension mutuelle, de liens sociaux et de sentiment de communauté.

Pour les productrices et producteurs agricoles concernés et qui sont au cœur du projet, c’est une occasion de mieux saisir les systèmes dans lesquels s’inscrivent leurs activités agricoles et les interrelations qui existent, par exemple entre les cycles de l’eau, les milieux humides, la disparition des terres et les pratiques agronomiques. C’est aussi une occasion de s’outiller pour anticiper les conséquences de leurs actions et prendre les meilleures décisions concernant leurs pratiques.

Pour les parties prenantes qui soutiennent de façon complémentaire le travail des productrices et des producteurs agricoles, c’est une occasion d’innover en fonction de la réalité du terrain et de celle des gens qui s’y dévouent, en misant sur le potentiel d’adoption du modèle qui sera retenu.

5- Qui finance ce projet?

Le projet Terres noires est réalisé grâce à la participation financière du gouvernement du Québec dans le cadre du programme Climat municipalités – Phase 2 et rejoint les objectifs du Plan pour une économie verte 2030.

6- Comment puis-je m’impliquer dans le projet?

Si le projet Terres noires vous intéresse, inscrivez-vous ici pour nous autoriser à communiquer avec vous et vous inviter, si opportun, à prendre part à des activités, dont quelques-unes en présentiel dans la municipalité de Napierville.

Les partenaires du projet «Terres noires»

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